Rencontre avec Camille Bruyas, ultra traileuse, kinésithérapeute et professeur de yoga

 

 

 

L’aventure Kitiwaké, c’est aussi l’occasion de belles rencontres humaines, comme celle de Camille Bruyas.

Camille est une personne d’une incroyable richesse, ultra traileuse, physiothérapeute, prof de yoga, rien que ça !

 

Une sportive de haut niveau qui, au-delà des performances, nourrit de très belles valeurs avec un fort engagement sur le sport santé.

 

On vous raconte notre échange.

 

  

Cannelle, Kitiwaké :

Bonjour Camille, merci pour cet échange malgré ton emploi du temps bien chargé.

Tu vis aujourd’hui dans les Bauges, au milieu des montagnes des Savoies, pourrais-tu nous dire où tu as grandi et comment le sport est entré dans ta vie ?

 

Camille :

 

Bonjour Cannelle,

 

J'ai grandi dans un petit village nommé Saint-Denis-Sur-Coise, situé entre Saint-Étienne et Lyon, sur le parcours de la SaintéLyon, une anecdote pour les amateurs de trail running. 

 

Mon père était agriculteur et m’a sensibilisée à la nature dès mon plus jeune âge. Il pratiquait aussi beaucoup le vélo, ce qui a introduit le sport dans ma vie.

 

Dans notre village, le seul sport collectif disponible était le basket, alors je m'y suis inscrit et il a rapidement pris une grande place dans ma vie, jusqu'à mes 18 ans.

   

En plus du basket, je pratiquais un peu de VTT. Vivre à la campagne présentait quelques défis logistiques : pour aller aux entraînements de basket ou voir des amis, mes parents ne pouvaient pas toujours nous emmener en voiture.

Nous devions donc souvent y aller à vélo ou à pied.

Cannelle :

Et ta découverte de l’ultra trail ? Au démarrage, qu’est-ce qui t’a motivé à te lancer et à pousser ta pratique de ce sport d’endurance exigeant tant physiquement que mentalement?

 

Camille :

J'ai découvert l’ultra-trail à La Réunion lors de la Diagonale des Fous. En arrivant sur l’île en 2016, je me suis inscrite à la Mascareignes et j'ai ainsi découvert le trail, qui est presque le sport national là-bas, et certainement la meilleure façon de découvrir l'île.

 

Avant cela, j'avais déjà participé à la SaintéLyon, en raison de mes origines familiales et de la région où je vivais.

 

Cependant, c'est véritablement lors de ma première Diagonale des Fous en 2018 que j'ai découvert l'ultra-trail.

 

Cannelle :

Tu es également professeur de yoga. Comment es-tu arrivée à choisir cette pratique et qu’est-ce qui t'a poussé à te former pour l’enseigner ? Mais aussi quelle place le yoga prend-t-il dans ton équilibre de vie?

 

Camille :

Grâce à mon métier de masseur-kinésithérapeute, j'ai découvert les bienfaits des postures de yoga que je pratiquais à titre personnel.

J'ai commencé le yoga à la Réunion, après une tendinite d'Achille, grâce à une professeure exceptionnelle qui m'a fait aimer cette discipline, alors que je pensais que ce n'était pas pour moi.

 

J'ai rapidement vu les liens entre le yoga et la kinésithérapie : au lieu de donner trois exercices différents à mes patients, je leur montrais une posture de yoga qui couvrait ces trois besoins, en y ajoutant des techniques de respiration.

 

J'ai trouvé cela très intéressant, ce qui m'a poussé à me former pour enseigner le yoga.

D'abord intégré dans ma pratique de kinésithérapeute, le yoga s'est ensuite révélé essentiel à mon équilibre de vie en tant qu'athlète.

 

Il m'a apporté de nombreux bénéfices : mobilité, souplesse, et la capacité à me poser sur un tapis pour faire une pause dans l'intensité du sport de haut niveau, toujours sous la pression de la performance et du chronomètre.

 

Le yoga a rapidement pris une place importante entre mon métier de kiné et ma vie d'athlète, formant ainsi un bel équilibre.

Cannelle :

Il existe différents styles de yoga (vinyasa, ashtanga, yin yoga, kundalini yoga…), plus ou moins tournés vers la spiritualité. Pourrais-tu nous parler de ta pratique personnelle et de celle que tu enseignes, et de ce qui t’a dirigé vers ces choix?

 

Camille :

Effectivement, le yoga est très riche, avec de nombreux styles. Je dis souvent qu'il y a autant de yoga que de professeurs. Le mot "yoga" est déjà très vaste et peut prêter à confusion, ce qui est normal. Personnellement, la pratique que j'enseigne est principalement axée sur le vinyasa, le mouvement, avec des flows structurés.

 

Mon approche est avant tout thérapeutique, en lien avec ma profession, et intègre également la respiration. Le côté spirituel de ma pratique est limité à des aspects méditatifs, car je préfère enseigner ce que je maîtrise et comprends pleinement. Je suis encore en phase d'exploration sur ce sujet, et plus j'en apprends, plus je réalise que cela ouvre à de nombreuses interprétations, souvent éloignées de ce que je souhaite transmettre.

 

Mon yoga est donc très axé sur la thérapie, la mobilité et la créativité, afin de ne jamais s'ennuyer et de varier les pratiques. J'attache beaucoup d'importance à m'adapter à tout public.

 

J'enseigne aussi bien dans mon village, à des personnes de tous âges, ce qui est très enrichissant et énergivore, qu'à des athlètes de haut niveau en cyclisme professionnel. Cette adaptation constante à mon public est essentielle pour que l'enseignement soit efficace et apprécié.

Cannelle :

Tu es une ultra-traileuse de haut niveau, kiné, prof de yoga,... ton rapport au corps est intense et exigeant. Quand et comment as-tu pris conscience de l'importance de connaître son corps et d’en prendre soin?

 

Camille :

Le corps, c’est mon outil, donc je dois en prendre soin. Je pense que c'est mon métier de kinésithérapeute, mes études de médecine et le sport, notamment le basket, qui m'ont fait prendre conscience de l'importance du corps.

 

J'ai eu des blessures, et comme tout sportif, on apprend dès l'enfance à connaître son corps. Les études approfondissent cette connaissance.

 

J'ai rapidement compris que l'ultra-trail apporte aussi un côté méditatif et de pleine conscience. On passe beaucoup de temps seul avec soi-même, ce qui renforce cette connexion.

 

Tout cela m'a fait réaliser que je ne veux pas abîmer mon corps, car j'en ai trop besoin et il est vraiment impressionnant. Le corps n'est pas une machine que l'on peut remplacer; il peut accomplir des choses magnifiques et nous parler à travers la douleur.

 

Plus j'en apprends, plus je me rends compte que le corps est un outil exceptionnel.

Cannelle :

En tant qu’athlète d’endurance, quel est ton rapport au corps et à la nutrition ? Et en tant que femme comment ton cycle impacte-t-il tes entraînements et ton approche des compétitions ?

 

Camille :

Je me suis formée en micronutrition à La Réunion en 2017. C'est un domaine que j'ai voulu explorer rapidement, à la fois pour mes patients en tant que kinésithérapeute et pour moi-même en tant qu'athlète.

 

Chaque formation que l'on suit a souvent une dimension personnelle. En ultra-trail, il est indispensable de bien se nourrir en compétition, ce qui commence par une bonne alimentation quotidienne.

 

Concernant l'impact de mon cycle sur mes entraînements et compétitions, les sports d'endurance influencent beaucoup le cycle hormonal. En ultra, les variations hormonales sont importantes, et il est essentiel d'observer son cycle.

 

Personnellement, je m'écoute : les jours où je me sens fatiguée, je constate souvent que cela correspond à une phase du cycle où la fatigue est normale, et je prends un jour de repos. En ajustant ainsi mes entraînements, j'arrive souvent en forme aux compétitions, et mon corps s'adapte, repoussant souvent mes règles après les compétitions.

 

La période des règles n'affecte donc pas tout le cycle, mais elle survient souvent après les compétitions. J'ai appris à gérer cela en laissant mon corps s'adapter à l'entraînement et en adaptant mes séances en conséquence. Cela peut sembler un peu inhabituel, mais en s'écoutant bien et en comprenant son cycle, on peut gérer cela de manière efficace.

Cannelle :

Tu as récemment subi deux blessures, comment as-tu appréhendé ces épreuves ? Quels sont tes conseils pour prévenir les blessures et comment se comporter quand elles surviennent ?

 

Camille :

Effectivement, j'ai vécu une année 2023 un peu complexe. J’ai eu deux blessures : une pathologie de l'artère et une fracture du coude.

 

Heureusement, ce ne sont pas des blessures dues au surentraînement, ce qui m'a permis de ne pas remettre en cause ma méthode d'entraînement.

 

Cependant, ce furent des épreuves difficiles, survenant coup sur coup, nécessitant un temps d'acceptation qui a été long et ardu.

 

Mes conseils concernant les blessures ? Cela dépend vraiment du type de blessure. Dans mon cas, je ne pouvais pas les prévenir, ce sont des choses qui arrivent et font partie du jeu.

Il faut s'adapter et accepter le fait d'être blessé, ce que beaucoup de sportifs ont du mal à faire. Cette acceptation n'a pas été facile pour moi non plus.

 

Pour rebondir, chacun doit trouver ses propres moyens. Cela peut passer par se fixer un nouvel objectif ou, au contraire, mettre tout sur pause et se consacrer à un autre projet.

 

Il est essentiel de s'écouter et de trouver sa propre solution, plutôt que de suivre les conseils de tous ceux qui veulent aider, même s'ils sont bien intentionnés. Il est important de ne pas oublier de s'écouter soi-même et de ne pas vouloir faire comme les autres.

 

Mon conseil principal : écoutez-vous !

Cannelle :

L’ultra trail et le yoga sont des pratiques très différentes, voir aux antipodes, comment vois-tu leur complémentarité ?

Et si tu avais 3 mots pour décrire l’ultra trail et 3 mots pour définir le yoga, lesquels choisirais-tu ?

 

Camille :

 

C'est sûr que l'ultra-trail et le yoga, ainsi que le sport de haut niveau en général et le yoga, peuvent sembler opposés.

 

Je considère que le sport de haut niveau n'est pas toujours synonyme de santé, tandis que le yoga l'est pour moi, donc tu as raison, ils sont un peu aux antipodes. J'ai mis du temps à comprendre cela.

 

Cependant, je vois des parallèles avec l'ultra-trail. On passe beaucoup de temps à méditer et à se concentrer sur soi, et même si on est souvent focalisé sur le chronomètre, les sensations en trail running sont très présentes.

Tout cela est bien lié au yoga.

 

La complémentarité est évidente : le yoga travaille la mobilité, alors que l'ultra-trail tend à raidir le corps. Le yoga nous apprend à nous écouter, tandis que l'ultra-trail nous pousse à dépasser nos limites. Ensemble, ils créent un équilibre.

 

Pour l'ultra-trail, je dirais que les mots clés sont aventure, liberté et persévérance.

Pour le yoga, je dirais assiduité, créativité, respiration et mobilité. Désolée, je t'en donne quatre !

Cannelle :

Quels conseils donnerais-tu à une personne qui souhaite se lancer dans l’ultra trail ?

 

Camille :

À une personne qui souhaite se lancer dans l'ultra-trail, je conseillerais d'être progressif. Tout le monde le dit, mais on n'est jamais assez progressif. Il est aussi important de savoir pourquoi on fait cela et de se fixer des objectifs qui nous tiennent vraiment à cœur.

 

Se demander pourquoi on veut faire tel ultra, si c'est pour faire plaisir à quelqu'un d'autre ou si c'est vraiment un défi personnel. Il faut se demander si c'est vraiment son sport ou non.

Cannelle :

En tant qu’athlète et ambassadrice Salomon, tu accordes une grande importance à ton équipement. Quelle importance accordes-tu à ta tenue de yoga ?

 

Camille :

 

L'équipement fait partie intégrante de la performance. Avec Salomon, j'ai la chance de travailler sur le développement des produits.

Concernant la tenue de yoga, pour moi, c'est vraiment ma tenue de tous les jours. L'important est d'être le plus à l'aise possible, tant physiquement qu'esthétiquement.

 

En sport, on est souvent peu féminine, couvertes de boue ou de pluie. Le yoga est une occasion d'exprimer son corps avec une tenue confortable et jolie, que l'on soit seule chez soi ou en public. Ce sont mes tenues préférées.

 

Cannelle :

Tu as pu tester nos produits, on adorerait savoir ce que tu en penses.. Les as-tu portées pour d’autres pratiques ? T’arrives t’il de les porter dans ton quotidien ? Quels seraient tes conseils pour les améliorer ?

 

Camille :

Par rapport aux tenues, aux produits Kitiwaké, ce que j'en pense vraiment, c'est qu’ils ajoutent une touche féminine sans véhiculer l'idée que le yoga est exclusivement pour les femmes longilignes, contraintes de porter des leggings très ajustés.

Je ne souhaite pas renforcer cette image déjà trop présente dans le yoga. 

 

Ce que j'apprécie vraiment dans tous leurs produits, c'est qu'ils sont conçus pour les femmes mais pourraient tout aussi bien convenir aux hommes.

 

C'est ce que j'aime beaucoup dans le yoga : venez comme vous êtes ! Je ne demande jamais à mes élèves pourquoi ils sont là, ce qu'ils ont fait aujourd'hui ou d'où ils viennent. C'est ma philosophie.

 

Ce sont des produits que j'utilise parfois pour courir, parfois pour skier, et dans ma vie quotidienne. Ce sont des pièces résistantes, qui reflètent des valeurs écologiques qui me tiennent à cœur, et qui sont très agréables à porter.

Pour moi, c'est l'un des points les plus importants : ils sont durables et véhiculent un concept vraiment très beau et surprenant !

 

Cannelle :

Merci Camille, c’est toujours un bonheur d’échanger avec toi. Je te souhaite le meilleur et un maximum de succès pour tes prochains objectifs !

 

Et nous, on se retrouve du 14 au 23 juin 2024 à l’Unesco à l'occasion des dix ans de la Journée internationale du yoga, pour une exposition ludique autour de cette pratique millénaire.

Et ce sera une autre belle occasion de reparler du yoga et du sport de haut niveau.

crédit photo : Fred Machabert© 

Product added to wishlist